7 Questions à Ikram Ben Brahim
Bonjour Ikram, vous êtes artiste multidisciplinaire, critique d'art et enseignant à l'Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunisie, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Bonjour, je m'appelle Ikram Ben Brahim d'origine tunisienne. Je suis une artiste multidisciplinaire et mon travail entremêle peinture, photographie, tissage, performance et installation. J'ai participé à plusieurs expositions et projets artistiques non seulement en Tunisie mais aussi en Afrique et à l'étranger (France et Allemagne précisément). Depuis 2015, jusqu'à aujourd'hui, je travaille avec mon collectif « Plein'Art » à travers diverses participations à des événements artistiques, et la réalisation de projets qui s'inscrivent dans l'esprit de l'art contemporain. Je suis également Docteur en Sciences et Techniques des Arts à la recherche de nouvelles théories liées au travail collectif, afin d'asseoir ma propre pensée philosophique, conceptuelle et critique. Mes écrits postdoctoraux m'ont permis d'être spécialiste de la théorie de l'art, et notamment de la critique à travers une formation internationale sur la critique d'art que j'ai réalisée au Mali dans le cadre de Ségou'Art 2019. Plusieurs articles ont été publiés dans African des revues dans des pays du continent africain comme le Sénégal, le Mali, le Bénin, le Nigeria, l'Angola, ainsi que des publications issues d'actes de colloques en mettant en avant la création artistique et sa réception esthétique. Je suis universitaire et j'enseigne non seulement des matières théoriques mais aussi des ateliers pratiques.
Parlez-nous un peu du collectif artistique que vous venez de créer avec d’autres artistes femmes ?
En 2015, une nouvelle aventure artistique commence où je crée un collectif d'Arts Visuels composé de jeunes plasticiennes féminines (Salma Belagi, Olfa guizani, Nour Ghanem, Amal Ayechi, Siwar Lazreg), plasticiennes (Yessine Mtaoua, Amine Melki) et vidéastes. (Mohamed Ali El Ouni et Moez Bouraoui). Ce collectif s'appelle « PLEIN'ART » qui tend à faire entrer l'art dans l'espace public en Tunisie. Elle touche les spectateurs à travers les pratiques contemporaines réalisées, afin de les inviter à voir et percevoir autrement leur réalité. L'échange et le partage sont deux concepts fondamentaux à travers lesquels nos pratiques artistiques évoluent au fil du temps en mettant en avant et face à la question de l'instant flash. Chaque femme artiste est une membre-lumière qui illumine par son imaginaire l'œuvre collective.
Ikram, tu es d'origine tunisienne, quel est le regard que ta société porte sur la femme actuelle ?
Dans mon pays, la Tunisie, la femme a toujours occupé depuis des siècles une place prépondérante étant en phase avec les mutations et les avancées de la société. Car la Tunisie à sa naissance, a un visage de femme : celui de la princesse phénicienne Elyssa arrivée du Liban sur les côtes tunisiennes, où elle fonda Carthage, ville puissante qui rayonna dans tout le bassin méditerranéen. Actuellement, la société tunisienne porte un regard respectueux à l'égard de la femme, compte tenu du rôle important qu'elle joue dans l'évolution de la culture et même lors de la révolution et de la transition démocratique. Ainsi, les femmes tunisiennes sont désormais davantage impliquées dans le domaine socioculturel.
Selon vous, quelle est la situation actuelle des femmes artistes en Tunisie et dans le monde ?
Actuellement, les femmes artistes en Tunisie occupent une place considérable dans le milieu artistique à travers l’ouverture de leur esprit actif et créatif. Ils sont de plus en plus nombreux sur la scène artistique nationale et internationale (photographes, vidéastes, peintres, plasticiens...) où les pratiques contemporaines exposées et les thématiques abordées ne cessent de se multiplier. La création plastique féminine en Tunisie ouvre des champs d'exploration dans un mouvement de changement social. Elle met en lumière des approches, des médiums, des profils et des préoccupations, afin de susciter l'imaginaire des spectateurs à travers les nombreuses participations aux biennales internationales en Afrique et en Europe. Chaque femme artiste crée son œuvre tout en témoignant de son expérience et de son actualité pour proposer un nouveau regard sur la création tunisienne contemporaine. Il façonne le paysage et sont de plus en plus nombreux sur la scène artistique (photographes, vidéastes, peintres, création pour conquérir le monde et éclairer l'histoire de l'art du pays).
Selon vous, quels sont les styles artistiques les plus réussis ?
Les styles artistiques sont dans l'esprit de l'art dit contemporain, où les pratiques artistiques sont le résultat du croisement de ces styles. L'art vidéo, la photographie, l'installation, la performance sont des disciplines artistiques qui se croisent et proposent un ensemble visuel et plastique en créant une relation avec le spectateur. Cet ensemble serait une manière de faire, de recevoir et de penser l’art à travers cette diversité de formes et de médiums conduisant à la liberté d’expression, d’évolution et d’innovation.
Pourquoi avez-vous contacté notre galerie ?
J'ai contacté votre galerie "La Maison Melem France" car elle traite de l'Art et du Design qui, aujourd'hui, sont problématisés et posent des problématiques assez riches dans le domaine artistique et par rapport au métier d'art. Il me semble aussi qu'il existe une force incroyable, notamment chez les femmes qui, aujourd'hui, sont à l'avant-garde de la création contemporaine et dans la recherche d'un nouveau mode d'action et d'imagination. Cette galerie qui n'accepte que des femmes artistes tend à remettre en question l'art contemporain lui-même.
Que signifie l’art pour vous et pour les femmes de votre collectif ?
Moi et mon collectif, l'art représente un mode de vie basé sur une certaine philosophie. Ce mode de vie permet d'entreprendre la reconquête de l'être, pour voyager dans les opacités du monde et errer dans l'imaginaire. Cet imaginaire collectif issu de la rencontre des imaginaires individuels permet d'accompagner l'émergence de nouvelles modalités du « vivre ensemble ». Dans le même espace se crée un passage d'ici vers un ailleurs où l'œuvre est considérée comme un « lieu commun » permettant d'interroger notre rapport à la société. En d’autres termes, l’ouverture à la présence de l’imagination créatrice extériorisée dans le travail collectif est le fameux moyen par lequel l’imagination individuelle peut se transformer en imagination collective, afin d’atteindre un changement culturel et une transformation sociale. La voie ouverte entre le « Je » et le « Tu » fonde la communauté d'un « Nous » qui désigne le lien de partage de l'être-au-monde avec-les autres. Il s'agit de l'art d'être au monde et avec le monde, pour créer avec l'autre et grâce à l'autre.